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Éducateur de robot ou energy manager, la transformation digitale et la transition écologique vont créer de nouveaux métiers. Mutation ou révolution ? Certaines branches vivent déjà cette transformation. Le solaire ou l’automobile constituent des laboratoires de ces métiers du futur, pour lesquels certaines compétences seront clés : créativité, adaptation, flexibilité.

Les transitions écologique et digitale transforment profondeur nos économies. Elles créent surtout de nouveaux besoins, impliquent de nouvelles technologies et donc de nouveaux métiers. Cela entraîne des changements culturels majeurs dans le monde du travail : prise en compte des impacts, transformation des relations clientèle, collaboration avec des assistants digitaux. Pour d’autres secteurs, cela suppose une disparition complète de certaines tâches. L’automobile et le solaire, déjà concernés, voient deux phénomènes apparaître : la naissance de nouvelles professions, souvent à l’intersection de deux branches, et de nouvelles formations. Ces dernières mettent du temps à se structurer. Pour anticiper l’apparition de nouveaux métiers, il est possible de s’emparer de ces nouvelles technologies au quotidien, de collaborer avec des professions concernées, de se former au sein de son entreprise. Parmi les compétences requises pour les métiers de demain : l’orientation sur les nouvelles technologies, la polyvalence, la communication, la co-construction.

Développeur web, Chief happiness officer, médiamaticiens, responsable d’entretien de biotopes… sont autant de nouveaux métiers apparus dans la décennie passée. Et demain, quelles compétences seront indispensables ? Dessiner toute l’installation solaire d’un bâtiment, concevoir un produit de la manière la plus écologique possible, analyser tous les impacts environnementaux d’un projet de construction… La transition écologique demande de nouvelles compétences et des métiers neufs vont apparaître, par exemple expert en recyclage, écologue, électrochimiste, energy manager ou écoconcepteur, citait PME Magazine dans un dossier spécialisé. Pour que la Confédération puisse atteindre les objectifs de sa stratégie énergétique 2050, près d’un demi-million de professionnels manqueraient dans les secteurs de la transition, alors que la pénurie actuelle de main-d’œuvre atteint déjà des niveaux inégalés.

Cette mutation profonde existe aussi dans les métiers du digital. Éboueur du web, éducateur de robot, hacker éthique, consultant en e-réputation, acheteur personnalisé en ligne, assistant médical personnalisé, mais aussi cuisinier augmenté ou avocat assisté… La transformation numérique entraîne elle aussi quantité de nouveaux besoins et de métiers. Ici aussi, le contexte est marqué par la pénurie. En 2030, il manquera près de 40 000 informaticiens à la Suisse, estime une étude universitaire de 2022 publiée par ICT-Suisse.

Des besoins nouveaux

À l’origine des changements structurels, il y a d’abord une impossibilité physique de poursuivre le développement économique actuel. « Sur neuf limites planétaires, sept sont atteintes. Ce défi écologique, qui dépasse la seule question climatique, nous oblige à trouver des solutions. Des industries entières doivent se réinventer : élevage, automobile, construction… », observe Christian Petit, CEO de Romande Energie. Il faudra donc développer une manière de produire des aliments, réussir à construire et rénover des logements en réduisant drastiquement leur empreinte écologique, concevoir des produits et services numériques moins gourmands en énergie. Pour certains secteurs, ce défi impliquera une réinvention complète. Une agriculture sans produits chimiques, une industrie automobile impliquant peu d’émissions et d’impacts… D’autres domaines de gros consommateurs d’énergie et de ressources naturelles semblent en sursis à moyen terme, par exemple l’élevage industriel. La digitalisation, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, entraîne l’automatisation de toute une série de tâches (saisie de données, contrôles…) et la disparition de métiers qui y sont liés.

Voir aussi l’article : Quelles compétences pour les métiers du numérique ?

Entre les suppressions de postes et l’apparition de nouveaux besoins — encore inconnus parfois —, impossible de prédire les conséquences de ces transformations combinées. « Il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle » prévoit cependant Christian Petit. « En termes de métiers, les besoins massifs exigés par la durabilité entraîneront plus de créations que de disparitions d’emplois. Mais branche par branche, l’enjeu et les effets seront différents », estime le dirigeant de Romande Energie.

Mutations ou révolution ?

En tant que salarié, faut-il se préparer à des évolutions progressives ou à une toute nouvelle manière de travailler ? Les transformations digitales et économiques impliqueront des changements culturels profonds qui impacteront tous les secteurs de l’économie. Premier réflexe nouveau à adopter pour Christian Petit :

– la prise en compte des impacts dans la conception d’un service, d’un produit. « L’ensemble des externalités négatives, sociales et environnementales devront être envisagées. » Pas question de passer brutalement d’une solution à une autre, comme on l’a fait en substituant par exemple des LEDS aux ampoules à incandescence, LEDs difficiles à recycler aujourd’hui. Chaque innovation sera soumise à des critères bien plus exigeants.

– Autre conséquence : le marketing, lui aussi, devra faire sa réinvention. « Non seulement il faudra expliquer et réussir à faire adopter des solutions nouvelles, mais le tout dans une logique de sobriété. Inciter à réparer, à économiser, plutôt que de pousser à la consommation, par exemple ». La relation client et le processus de vente s’en trouveront profondément modifiés.

– Enfin, la digitalisation impliquera, entre autres, d’intégrer une culture du risque face aux cyberattaques.

– Elle demandera enfin d’apprendre à se doter d’assistants digitaux, que l’on soit chef de chantier, vendeur ou contrôleur fiscal. Chaque profession devra donc se familiariser avec son versant digital et verra sa valeur ajoutée repensée et renforcée : conseil, service, relation clientèle, contrôle… « Même si on peut imaginer que demain un client commandera entièrement son véhicule en ligne, sa livraison et sa prise en main demanderont toujours des explications et un accompagnement personnalisé », explique Nicolas Leuba, consultant, président de l’Union professionnelle suisse de l’automobile Section Vaud (UPSA Vaud, garagistes) et garagiste durant près de 25 ans.

Voilà pour les mutations. Ces changements profonds demandent d’ores et déjà de se préparer et se former à ces défis dans son propre secteur d’activité. Des formations ou sensibilisations générales à la durabilité, comme la fresque du climat, peuvent être réalisées pour entamer la conversation dans votre entreprise.

Si votre métier est directement mis en cause par la digitalisation ou les normes environnementales, préparez-vous, en tant que salarié, à évoluer vers d’autres fonctions — ce qui peut se faire au sein de votre entreprise actuelle. « Nos releveurs de compteurs manuels vont disparaître à terme. Ils vont devoir se rediriger vers d’autres missions, toujours au sein des réseaux électriques », décrit ainsi Christian Petit. Voilà pour la révolution. Votre entreprise ou votre secteur ont peut-être déjà anticipé ces changements. C’est le cas de l’automobile et de la construction solaire.

L’automobile et le solaire, creusets de nouveaux métiers

Le secteur automobile est touché de plein fouet par la durabilité avec l’essor des véhicules électriques et la digitalisation — les garagistes ne peuvent plus se passer de tablettes pour la programmation des véhicules —, désormais tous connectés.

Quelles conséquences pour la profession ? D’abord une redéfinition ultrarapide du métier. « On est passé en quelques années du mécanicien de maintenance au mécatronicien. Et on se dirige maintenant vers l’électromécanicien ! », décrit Nicolas Leuba. Pour ce dernier, l’électrification du parc automobile et la réduction de main-d’œuvre qu’impliquent les véhicules automobiles redéfinissent du tout au tout les missions traditionnelles du mécanicien. « On peut envisager des synergies de cette profession avec tout ce qui concerne la production d’électricité pour recharger les véhicules. Un mécanicien automobile pourrait devenir installateur de bornes électriques, chargé de maintenance, voire poser des panneaux solaires ! »

L’enjeu est de créer des synergies entre deux secteurs d’activité, mais aussi de conserver dans le domaine automobile des professionnels polyvalents et pointus. Si ces changements impliquent « un investissement important dans la formation continue », selon Nicolas Leuba, ils demandent aussi et surtout de revoir toute la formation de base. C’est l’objectif du nouveau centre de formation YMECA à Y-PARC (Yverdon-les-Bains), future maison de la mécanique, qui doit permettre cette transition technologique dans le monde de l’automobile.

Comment repenser les formations dans des branches où les technologies sont en évolution constante ? L’industrie du solaire fait face à cette évolution en ce moment même. « Notre champ est en pleine évolution. Nous manquons de ressources et de personnes compétentes pour monter des panneaux, équiper des bâtiments entiers. Et certains métiers dans le domaine électrique n’existent pas encore en termes de formation », décrit Markus Mosimann, responsable Formation professionnelle & Formation techniques pour le Groupe E. Ainsi, le CFC d’installateur solaire n’ouvrira ses portes qu’en 2024 ! Plusieurs solutions existent cependant pour acquérir ces compétences si recherchées :

– les formations internes propres à chaque branche et à chaque entreprise

– les organismes de formation qui peuvent suggérer de nouvelles compétences

– le réaménagement du plan de formation de chaque profession, qui a lieu tous les cinq ans

– La mise en place de formations pour des personnes issues de secteurs proches, en reconversion. Ainsi, Goupe E a ouvert une filière dans le montage des panneaux photovoltaïques pour des personnes issues d’autres secteurs, en reconversion. Swiss Solar a mis en place un CFC / formation initiale dans le même ordre d’idées.

Anticiper la naissance d’une nouvelle profession

Ces réaménagements de formations sont toujours complexes, témoigne Markus Mosimann. Elles demandent des négociations entre cantons, Confédération et employeurs en particulier lorsque la profession est protégée, comme c’est le cas pour les électriciens, seuls à pouvoir réaliser des installations et des mises sous tension. « Or, avec les changements en cours, ce système de décision est trop lent. Il devrait être accéléré, car la technologie va plus vite ! », estime l’expert. Et de citer l’exemple de la révision du CFC d’employé de commerce « qui devait être effectuée pour 2022, et ne sera finalement prête qu’en 2023 ».

La solution, selon lui ? “Il faudra développer un socle commun de connaissances, une formation de base sur laquelle se rajouteront des spécialisations.” Ce qui impliquerait d’avoir peut-être moins de professions. Et des spécialisations moins poussées ? “Au contraire. Les dimensions extrêmement pointues comme la programmation électrique feront l’objet de métiers à part. Quant aux spécialisations, comme le diagnostic électrique par exemple, elles pourraient aller très loin, impliquer des analyses comparatives, de la transmission de données, etc.” À noter aussi que de nouveaux métiers apparaîtront à l’intersection de certaines branches professionnelles, entre le solaire et les installations sanitaires, par exemple. “Il faudra imaginer des ponts de reconversion professionnelles interbranches. Des acteurs publics ou privés, des faîtières interprofessionnelles devront prendre ce problème-là à bras-le-corps”, estime Christian Petit.

Comment anticiper ces transformations en tant que salarié ? Les entreprises ont une marge de manœuvre et d’actions pour leurs équipes. “Elles peuvent identifier les métiers de demain, les nouveaux réflexes à adopter, et les métiers qui vont disparaître. Elles peuvent mettre en place un plan de migration des postes, des formations continues pour permettre à leurs salariés de modifier leurs savoirs et d’aller vers des postes avec davantage de possibilités”, estime Christian Petit. Mais toutes n’ont de loin pas encore pris ce tournant. En attendant, conseille Markus Mosimann, “parlez à des collègues dans le bâtiment, comprenez comment différents outils communiquent, quelle est la logique des nouveaux systèmes digitaux. Utilisez les relations clients pour comprendre les nouveaux besoins et compétences requises sur le marché. Apprenez à expliquer ces évolutions à des prospects. Le grand défi de demain, c’est la polyvalence !”

La polyvalence, clé des compétences de demain

Quelles compétences seront indispensables demain ?

– Être orienté vers les nouvelles technologies tout d’abord, ce qui impliquera de se former en continu, puisque ces dernières évoluent en permanence.

– La polyvalence et l’agilité. Sur un chantier, être capable d’installer un composant et de pouvoir le faire communiquer avec d’autres. “Un installateur en chauffage devra pouvoir comprendre le fonctionnement d’une sonde extérieure pour la calibrer avec la température ambiante, faire communiquer cela avec un panneau photovoltaïque et une autre source d’énergie”, estime Markus Mosimann

Même enjeu dans le tertiaire. En plus de la culture digitale, maîtriser la gestion de projet, par exemple. Avoir une seule compétence ne suffira plus. En entrant dans un domaine d’activité, il faudra apporter de la valeur ajoutée à 360 degrés. Une agilité qui implique d’être formé en conséquence.

– Savoir communiquer ensuite. “Il faudra pouvoir faire l’introduction d’un système que l’on viendra d’installer. Pour une entreprise, envoyer de multiples professionnels sur un chantier n’aura plus d’intérêt”, assure Markus Mosimann. Quelle que soit la technologie utilisée, expliquer son fonctionnement et sa valeur ajoutée sera clé.

– Savoir co-construire. Maîtriser le travail en équipe, “les échanges horizontaux, la co-construction, les équipes pluridisciplinaires, les autres parties prenantes”, pointe Christian Petit. Prendre en compte les impacts et les externalités implique de faire converger les idées et les savoirs, de disposer de points de vue plus larges.

Intervenants dans l’article

Christian Petit

LinkedIn

CEO de Romande Energie

Markus Mosimann

LinkedIn

Responsable Formation professionnelle & Formations techniques pour le Groupe E

Nicolas Leuba

LinkedIn

Consultant, président de l’Union professionnelle suisse de l’automobile Section Vaud (UPSA Vaud, garagistes)

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